Différents outils permettent d’établir un diagnostic de sécheresse oculaire. Certains supposent des machines sophistiquées et onéreuses, d’autres nécessitent peu de moyens. Les ophtalmologues ne disposant pas tous de ces outils, en cas de suspicion de sécheresse oculaire, il est préférable de consulter un spécialiste ou un médecin disposant de ces outils.
Quels sont les principaux outils permettant de poser et d’affiner le diagnostic de sécheresse oculaire ?
Le questionnaire
Différents questionnaires ont été rédigés afin d’établir un score de sévérité de la sécheresse oculaire. Cet outil repose donc sur l’appréciation subjective du patient. Il permet d’aiguiller le praticien, mais doit être utilisé en complément d’autres outils pour établir un diagnostic précis.
Parmi ces questionnaires on retrouve le DEQ-5 (Dry Eye Questionnaire), l’OSDI (Ocular Surface Disease Index) et le SPEED (Standard Patient Evaluation of Eye Dryness).
L’examen clinique
L’examen clinique est indispensable lorsque la sécheresse oculaire est causée par une pathologie dermatologique comme la dermite séborrhéique ou la rosacée. Le praticien regardera la peau du visage dans son ensemble, s’il existe des dépôts au niveau des cils, la rougeur de l’œil, l’aspect des paupières (intérieur et extérieur) et notamment, l’état des orifices des glandes de Meibomius, analysera la cornée à l’aide de la lampe à fente ou encore la fréquence des clignements.
Au cours de l’examen clinique, il est fréquent que le praticien appuie sur le rebord de la paupière. Ce geste permet d’exprimer le contenu des glandes de Meibomius et de déterminer si ces glandes sont bouchées, atrophiées, ou encore si le meibum est de bonne consistance.
Les tests conventionnels et complémentaires pour diagnostiquer le type de sécheresse oculaire
Deux principaux tests vont permettre d’établir le type de sécheresse dont souffre le patient :
• Le BUT (Break-Up Time) : ce test évalue la qualité et la stabilité du film lacrymal sur la cornée et consiste à instiller une goutte d’un collyre de fluorescéine dans chaque œil. Une fois la goutte instillée, le patient ne doit pas cligner des yeux et le praticien chronomètre le temps que met le film lacrymal pour se rompre. Le temps moyen normal de rupture du film lacrymal est de 15 secondes. En dessous de 10 secondes, on considère que ce temps de rupture est pathologique. Dans ce cas, on parle de sécheresse oculaire qualitative ou par hyper-évaporation des larmes, le plus souvent associée à un dysfonctionnement des glandes de Meibomius (DGM) ;
• Le test de Schirmer : il consiste à déposer une sorte de bandelette de papier buvard au niveau du cul-de-sac conjonctival et de chronométrer le temps que met le buvard à s’imprégner de larmes. Le test sera positif si, au bout de 5 minutes, la bandelette présentera moins de 10 mm d’humidification. Cela signifie que le patient présente une sécheresse par déficience aqueuse ou sécheresse quantitative. Celle-ci peut être due à la prise de certains médicaments ou à une maladie auto-immune comme le syndrome de Gougerot-Sjögren ;
En complément, l’ophtalmologue peut analyser l’état de la cornée : il va utiliser des colorants spécifiques et non toxiques (fluorescéine, vert de Lissamine) qu’il instille dans l’œil du patient et observe avec une lumière. Lorsque l’épithélium cornéen est sain, le colorant ne se fixera pas sur l’œil. En revanche, en cas de kératite (= inflammation de la cornée), le colorant va se fixer sur le stroma cornéen.
Les outils techniques pour approfondir le diagnostic en cas de suspicion de DGM
Certaines machines, plus sophistiquées mais onéreuses, vont permettre d’approfondir le diagnostic initial de dysfonctionnement des glandes de Meibomius (DGM) :
• La meibographie : il s’agit d’une technique permettant d’évaluer l’état et la morphologie des Glandes de Meibomius. Cet outil utilise un procédé non invasif et indolore ; il va définir le stade de gravité de l’atteinte de ces glandes parmi 4 stades possibles (1) Peu d’atrophie (- de 25%), 2) atrophie comprise entre 25 et 50% des glandes, 3) atrophie comprise entre 50 et 75% des glandes, 4) atrophie très avancée avec plus de 75%). La détection du stade d’atrophie de ces glandes permettra d’adapter le protocole de soins en conséquence ;
• Le NIBUT (Non Invasive Break Up Time) : cette technique est à rapprocher de celle du BUT (cf. supra) et permet également d’évaluer la stabilité du film lacrymal avec une machine dédiée. Le patient cligne et l’outil calcule automatiquement le temps de rupture du film lacrymal ;
• L’interférométrie : permet d’évaluer l’épaisseur de la couche lipidique. Ce test permet donc de confirmer l’existence d’un DGM ;
• L’analyse des clignements : certaines machines vont évaluer de manière non invasive le nombre de clignements effectués par le patient pendant une certaine période. Elles évaluent également la qualité des clignements et notamment, s’il existe des clignements incomplets. En effet, lorsque l’on travaille beaucoup sur écran, nous avons tendance à effectuer moins de clignements, ainsi que des clignements incomplets. Ces derniers ne permettent pas une bonne expression et répartition du meibum sur l’œil, et peuvent être à l’origine d’un DGM.
Analyses complémentaires en cas de suspicion d’une sécheresse quantitative
D’autres outils seront utilisés en cas de suspicion d’une sécheresse oculaire quantitative (par déficit aqueux) :
• La mesure de la hauteur du ménisque lacrymal (ou de la rivière lacrymale) : la machine dédiée va mesurer la hauteur du ménisque lacrymal (couche de larme que l’on peut voir sur le rebord de la paupière inférieur), et en déduire la quantité d’eau présente dans les larmes. Cet outil permet donc d’orienter ou d’infirmer le diagnostic d’une sécheresse quantitative ; la hauteur normale du ménisque de larme doit être supérieure à 0,21 mm ;
• L’interrogatoire du patient et l’examen clinique en cas de suspicion d’une maladie auto-immune : le praticien va examiner et interroger son patient, chercher un éventuel syndrome sec (sécheresse buccale, vaginale, cutanée, des douleurs articulaires, fatigue etc) ;
• Analyse sanguine : pour le syndrome de Gougerot Sjögren, on recherche la présence d’anticorps anti-SSa ou anti-SSb ;
• Biopsie des glandes salivaires accessoires : lors de cette biopsie, le praticien va chercher la présence de lymphocytes spécifiques au sein de ces glandes salivaires accessoires. L’opération est réalisée sous anesthésie locale.
Autres outils de diagnostic en cas de sécheresse oculaire
• Recherche d’allergène dans les larmes ;
• Microscopie confocale : il s’agit d’une méthode d’imagerie non invasive qui permet de visualiser les différentes structures de la cornée. Elle permet notamment d’objectiver l’existence d’une altération de l’innervation cornéenne pouvant être responsable des douleurs neuropathiques, mais aussi de quantifier l’inflammation cornéenne ;
• Recherche de demodex dans les cils : le praticien prélève quelques cils et les analyse pour rechercher la présence de cet acarien qui est suspecté dans certains cas de rosacée oculaire.