Les collyres hydratants sont systématiquement le traitement de première intention face à une sécheresse oculaire et, quels que soient son origine et son degré de gravité.
Leurs objectifs sont :
- D’augmenter le volume des larmes ;
- De diminuer l’osmolarité lacrymale ;
- De lubrifier la surface oculaire ;
- De favoriser la cicatrisation ;
- De protéger la surface oculaire de la dessiccation (= évaporation).
Ces collyres disponibles sur le marché présentent différents composants qui varient selon le type de sécheresse oculaire (sécheresse quantitative vs. sécheresse qualitative).
Néanmoins, il faut garder à l’esprit qu’en pratique un patient souffrant d’une sécheresse qualitative pourra préférer un collyre plutôt destiné aux sécheresses quantitatives et inversement.
La clé avec les substituts lacrymaux est d’en essayer plusieurs pour savoir lesquels conviennent le mieux pour chaque patient. Ainsi, il n’y a pas de collyre « meilleur » qu’un autre et tout dépend du ressenti subjectif du patient.
Attention : en cas de sécheresse oculaire il faut impérativement privilégier des collyres sans conservateurs !
Les collyres hydratants sont le plus souvent complémentaires d’autres thérapeutiques, en particulier pour les sécheresses modérées à sévères.
Nous allons ici aborder les différents types de collyres hydratants en fonction de leurs propriétés physiques et chimiques.
1) Les différentes classes de substituts lacrymaux
Cette classification est directement issue du site Em-consulte ( Surface oculaire – Chapitre 14 – Substituts lacrymaux de C. Baudouin, A. Rousseau, R. Tahiri Joutei Hassani, M. Labetoulle) que nous allons résumer et vulgariser pour une meilleure compréhension des patients profanes.
Les dérivés du sérum physiologique
Ils peuvent être utilisés à la fois pour rincer les yeux (notamment en cas de conjonctivite allergique ou de sécrétions des conjonctives), mais aussi pour hydrater. Ces collyres sont utilisés depuis de nombreuses années.
Les polymères de vinyl
Ce sont des collyres à faible viscosité permettant d’augmenter la stabilité du film lacrymal et sont essentiellement composés de polyvinylique (PVA) et polyvinylpyrrolidone (PVP). Ils sont utilisés depuis de nombreuses années et sont généralement proposés en première intention pour les sécheresses légères à modérées.
Les dérivés cellulosiques
Là encore, ces collyres sont utilisés depuis de nombreuses années en raison de leur forte viscosité et de leur pouvoir de rétention hydrique. Les composants les plus utilisés sont l’hydroxypropylméthylcellulose (HPMC) et la carboxyméthylcellulose (CMC). Ils ont été utilisés sous forme de collyres et d’inserts. Les inserts étaient très utiles pour les personnes devant instiller très fréquemment leurs collyres, mais ils ne sont malheureusement plus commercialisés en France.
Les carbomères
Les carbomères sont plus récents puisqu’ils sont apparus dans les années 1990 ; ils ont des propriétés mucomimétiques leur permettant une meilleure adhérence à la surface de l’œil. Mais en contrepartie de cette bonne viscosité, la vision peut être temporairement floue. Ils sont généralement prescrits en cas de sécheresse modérée à sévère.
Les collyres au hyaluronate de sodium
Le hyaluronate de sodium (ou HS) est capable de retenir une importante quantité d’eau et permet ainsi une bonne lubrification de l’œil, ainsi qu’une amélioration de la stabilité du film lacrymal. En outre, le HS facilite la cicatrisation épithéliale.
Les collyres au HS sont préconisés pour les sécheresses sévères (notamment en cas de kératite), en troisième intention après échec des substituts lacrymaux de faible viscosité et des gels.
L’hydroxypropyl-guar (ou HP-guar)
Ce type de collyre présente une bonne rémanence, épaissirait la couche muqueuse des larmes et posséderait de bonnes propriétés cytoprotectrices.
Les émulsions lipidiques
La majeure partie des sécheresses oculaires étant de type qualitative (hyperévaporation), il paraît opportun d’utiliser des collyres hydratants contenant des lipides. Il existe différents types de collyres lipidiques : des émulsions à base d’huile de ricin (préparation hospitalière), systane, cationorm…
Les osmorégulateurs
Comme précité, la sécheresse oculaire entraîne une hypreosmolarité causant un « stress osmotique », endommageant les fonctions des cellules épithéliales et entraînant un certain nombre d’altérations au niveau de la surface oculaire.
Deux types de composants ont une action osmorégulatrice :
- Le tréhalose : il est disponible sous forme de collyre avec une concentration de 3% dans certains pays européens mais pas encore en France ;
- Le lévocarnitine et l’érythritol : L’association CMC–lévocarnitine–érythritol est indiquée pour le traitement de la KCS, en troisième intention, après échec des solutés de faible viscosité et des gels.
- Le tréhalose : il est disponible sous forme de collyre avec une concentration de 3% dans certains pays européens mais pas encore en France ;
Les collyres sécrétagogues
Il existe deux types de collyres sécrétagogues, c’est-à-dire qui vont stimuler les sécrétions lacrymales :
- Le diquafosol : il s’agit d’un agoniste de certains récepteurs impliqués notamment dans le métabolisme lipidique. Le diquafosol augmenterait la sécrétion lacrymale et la sécrétion de mucines, renforcerait la perméabilité de l’épithélium cornéen et accélèrerait la cicatrisation épithéliale cornéenne. Il n’est pour le moment disponible qu’en Asie ;
- Le rébapimide : c’est un dérivé de la quinolinone, un mucoprotecteur ayant une activité sécrétagogue sur les mucines. Il n’est commercialisé qu’au Japon.
- Le diquafosol : il s’agit d’un agoniste de certains récepteurs impliqués notamment dans le métabolisme lipidique. Le diquafosol augmenterait la sécrétion lacrymale et la sécrétion de mucines, renforcerait la perméabilité de l’épithélium cornéen et accélèrerait la cicatrisation épithéliale cornéenne. Il n’est pour le moment disponible qu’en Asie ;
Les pommades à base de vitamine A
La vitamine A est utilisée pour favoriser la cicatrisation de la cornée ; elle s’utilise essentiellement sous forme de pommade et plutôt pour la nuit car elle peut rendre la vision floue. Il faut privilégier les pommades sans conservateur.
2) Les propriétés des substituts lacrymaux
Viscosité et rémanence
La viscosité d’un collyre hydratant est importante car elle permet de bien couvrir la surface oculaire et offre une bonne rémanence (durée d’efficacité).
- Les collyres à viscosité faible sont ceux constitués de chlorures de sodium, de dérivés vinyliques et de solutions de glycérine ;
- Les collyres à viscosité moyenne sont ceux ayants des propriétés de « rhéofluidifiant » et de thixotrope et comprennent les collyres constitués de hyaluronates de sodium et de dérivés cellulosiques ;
Les collyres à viscosité élevée correspondent aux carbomères. Ils ont la meilleure rémanence mais sont les plus susceptibles de générer des troubles visuels et de laisser des dépôts en séchant.
- Les collyres à viscosité faible sont ceux constitués de chlorures de sodium, de dérivés vinyliques et de solutions de glycérine ;
Osmolarité
L’hyperosmolarité lacrymale est l’une des conséquences de la sécheresse oculaire. C’est pourquoi, certains collyres hydratants proposent des propriétés hypo-osmotiques
Cicatrisation épithéliale
Les propriétés lubrifiantes des collyres hydratants permettent de faciliter la cicatrisation des épithéliums de la surface oculaire.
Certains composants des substituts lacrymaux améliorent cette capacité de cicatrisation :
- La carboxyméthylcellulose (CMC) : en se fixant au collagène et à la fibronectine ;
- Le hyaluronate de sodium (HS) : en améliorant la prolifération des cellules épithéliales et en facilitant leur migration ;
- Le tréhalose.
- La carboxyméthylcellulose (CMC) : en se fixant au collagène et à la fibronectine ;
Propriétés optiques
La sécheresse oculaire est susceptible de perturber l’acuité visuelle et la vision des contrastes. Les collyres hydratants sont susceptibles de pallier cette conséquence en restaurant partiellement et transitoirement la régularité de la surface oculaire.
Propriétés osmorégulatrices
Les collyres disposant de composés osmorégulateurs peuvent améliorer la survie des cellules épithéliales qui, dans le cadre de la sécheresse oculaire, sont soumises à un stress osmotique.
Les osmorégulateurs utilisés dans les collyres hydratants sont les suivants :
- Lévocarnitine (L-carnitine) ;
- L’érythritol ;
- Le tréhalose ;
- Le glycérol ;
- La taurine.
Composition électrolytique
Les électrolytes sont chargés de réguler les processus métaboliques dans le film lacrymal. Ils rentrent dans la composition de certains collyres hydratants mais semblent moins employés que par le passé.
PH des substituts lacrymaux
Les larmes présentent un pH physiologique moyen d’environ 7,5, mais ce pH peut être influencé par le type de sécheresse oculaire. Ainsi, les patients présentant une sécheresse quantitative sont susceptibles d’avoir un pH plus élevé, tandis que ceux souffrant d’une sécheresse qualitative, typiquement en cas de rosacée, auront un pH plus bas.
Il semblerait que le pH d’un collyre entraîne des conséquences sur l’activité du produit et sa stabilité, mais aussi sur la tolérance subjective du patient lors de l’instillation.
3) Tableau récapitulatif
Nom du collyre | Fabricant |
Collyres dérivés du sérum physiologique (sécheresses légères ou pour nettoyer les yeux) | |
Larmabak | Théa |
Larmes artificielles Martinet (n’utilisez que la version sans conservateur) | Teofarma |
Phylarm | LCA Pharmaceutical |
Collyres avec polymers de vinyl (sécheresses légères à modérées) | |
Fluidabak | Théa |
Nutrivisc (n’utilisez que la version sans conservateur) | Alcon |
Refresh | AbbVie |
Collyres avec dérivés cellulosiques (sécheresses modérées) | |
Artelac | Chauvin |
Celluvisc | AbbVie |
Collyres avec carbomères (sécheresses modérées à sévères) | |
Aquarest (combiné avec des lipides) | Chauvin |
Gel larmes (n’utilisez que la version sans conservateur) | Théa |
Lacrifluid (n’utilisez que la version sans conservateur) | Europhta |
Neraya (combiné avec des lipides et de l’hyaluronate de sodium) | Bausch + Lomb |
Collyres avec hyaluronate de sodium (sécheresses modérées à sévères) | |
Hyabak (0,15%) | Théa |
Hyaline(0,2%) | LCA Pharmaceutical |
Hylo-Comod ou Hylo-Confort Plus (0,2%) | Ursapharm |
Hylovis ou Hylovis Multi (0,18%) ou Hylovis Gel (0,3%) | TRB Chemedica |
Idrop MGD (combiné avec des lipides) (0,2%) | I-MED |
Olixia care (0,15%) | CROMA |
Repadrop (combiné avec des vitamines) | Densmore |
Théalose (combiné à un osmorégulateur) (0,15% – tréhalose 3%) | Théa |
Vismed ou Vismed Multi ou Vismed Multi Gel (0,18%) | Horus Pharma |
VisuXL (combiné avec Q10) | VisuFarma |
Vitadrop (contient un conservateur “léger” + vitamine B12 +PEG 8000) | Densmore |
Elixya (contient un conservateur “léger” + vitamine B12 et des électrolytes) | Bausch + Lomb |
Collyres avec de l’hydroxypropyl-guar (sécheresses modérées à sévères) | |
Systane Ultra ou Ultra UD (n’utilisez que la version sans conservateur) | Alcon |
Systane Hydratation (combiné avec du hyaluronate de sodium) | Alcon |
Collyres à base d’émulsions lipidiques (sécheresses évaporatives) | |
Aquarest (combiné à un carbomère) | Chauvin |
Cationorm | Santen |
Hylo lipid | Ursapharm |
Hylovis lipo ou multi (combiné avec du hyaluronate de sodium) | TRB Chemedica |
I-Drop MGD (combiné avec du hyaluronate de sodium) | I-MED |
Collyres osmorégulateurs (sécheresses modérées à sévères) | |
Optive Fusion | AbbeVie |
Théalose (combiné avec du hyaluronate de sodium) | Théa |
Pommades à base de vitamine A (sécheresses modérées à sévères) | |
Vitamine A Dulcis | AbbeVie |
VitA Nuit | Ursapharm |
Source : https://www.em-consulte.com/em/SFO/2015/html/file_100027.html